Le , par Anne Le Gal - Portrait
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Ce qui frappe d’emblée chez Olivier Keul, c’est son rejet viscéral du mythe de la réussite solitaire.
« J’aime pas l’idée que des gens puissent dire qu’ils se sont faits tout seuls. C’est faux. Tu te construis grâce aux personnes que tu rencontres et par rapport à l’environnement social dans lequel tu as grandi. »
Là où beaucoup tracent leur parcours à coups de plans de carrière, Olivier, lui, l’a bâti au gré des rencontres.
Pour lui, ce sont ces liens qui nous façonnent, nous font grandir. Ces liens, Olivier les énumère presque comme une cartographie intime du web.
Le premier nom sur la carte : Gaëlle Linel, qui lui offre son premier stage, au sein d’une agence web parisienne à taille humaine, Churchill.
À l’époque, Olivier suit un DUT Services et Réseaux de Communication, formation choisie un peu par défaut mais qui lui révèle le plaisir du code, de la communication et de la création.
Chez Churchill, il rencontre Bertrand Germain, intégrateur front qui le prend sous son aile.
« C’est quelqu’un d’aussi talentueux que discret, qui m’a appris tout le métier d’intégrateur HTML. »
Bertrand est le premier à lui parler d’accessibilité web, le premier à l’emmener à Paris Web en 2007, le premier à lui faire découvrir la labellisation AccessiWeb de l’association BrailleNet, qu’il passe. Une graine est plantée, qui ne cessera de germer.
Quelques années plus tard, nouvelle aventure au sein de l’agence e-commerce de Pixmania. À ses côtés : Éric Le Bihan, son manager, fondateur du blog Les Intégristes, incontournable dans le milieu du front à l’époque. Des collègues brillants comme Marie Guillaumet ou encore Vincent Valentin. Une génération d’intégrateurs passionnés, rigoureux et exigeants.
« Il y avait une superbe émulation collective avec une passion partagée pour l’intégration HTML de qualité. On était à fond. Je me rappelle qu’à l’époque (2010), une inté ne pouvait pas passer en production si par exemple il y avait une non conformité en zoom 200 %. »
L’accessibilité numérique, encore peu diffusée dans les pratiques, infusait déjà dans les leurs, comme une évidence.
Après une année de césure lors d’un road trip en Australie, c’est Marie, encore elle, qui lui parle de Clever Age. Olivier y retrouve un nouveau terrain d’apprentissage, cette culture du partage qu’il affectionne, au contact de Matthias Dugué, Mehdi Kabab, ou de son manager Stéphane Deschamps, cofondateur de Paris Web.
« Je me suis retrouvé à travailler avec des personnes que je lisais quelques années plus tôt, soit sur des blogs, soit dans des livres. C’était fou. »
Il y développe des compétences de management, devient référent accessibilité, forme, audite, accompagne. Et contribue à Opquast, le référentiel d’assurance qualité web cofondé par Élie Sloïm. Un autre jalon : la rigueur, la méthode et l’amélioration continue.
C’est une autre rencontre, en réalité plus ancienne, qui l’amène vers Temesis : celle d’Aurélien Lévy, directeur général de Temesis.
Ils se croisent depuis des années, lors d’événements comme Paris Web, les séminaires du groupe de travail AccessiWeb, lors d’échanges entre pairs…
« Il y a eu plusieurs moments où nos chemins auraient pu se rejoindre, mais ça ne s’était jamais fait. »
Quand l’occasion se présente enfin, tout est aligné : l’envie de progresser encore, le besoin de retrouver une émulation, et la perspective de rejoindre la structure qu’il considère comme l’un des pionniers de l’accessibilité numérique en France.
Chez Temesis, Olivier retrouve aussi Éric Gateau, cofondateur de Temesis et d’Opquast, avec qui les conversations sur la qualité web ont déjà une histoire. Ensemble, ils codirigent aujourd’hui le service accessibilité, conjuguant leurs approches et leurs expériences.
« C’est presque vertigineux, parfois, quand je réalise que je travaille maintenant aux côtés de personnes qui ont façonné ma vision du métier à différentes étapes. »
Ces collaborations multiples lui ont forgé une conviction : l’accessibilité ne peut exister en vase clos.
« Pour être efficace, l’accessibilité doit se faire intelligemment, en comprenant les contraintes des designers, des développeurs, des product owners. C’est ce que j’essaie de transmettre. »
Car la transmission reste son moteur principal. Former, sensibiliser, accompagner : Olivier voit dans ces actions le levier le plus puissant pour faire avancer les pratiques. Ses petites victoires ? Ce développeur, initialement hostile au sujet, devenu référent accessibilité au sein d’un grand établissement public. Ou encore cette développeuse, formée à l’accessibilité et devenue un an plus tard auditrice en accessibilité numérique, à son compte.
« Avec l’expérience vient un changement de posture : on passe d’une phase où l’on cherche principalement à apprendre à une phase où l’on se doit nous aussi de transmettre. »
Et parfois, le cycle se referme joliment. Comme lorsque, des années plus tard, il a l’occasion de recommander Gaëlle Linel, son ancienne directrice chez Churchill qui lui avait donné sa première chance, pour un poste chez ecedi, agence sœur de l’écosystème Ctrl-a dont fait partie Temesis. Un juste retour des choses, presque symbolique.