Non respect du RGAA : saisir le Défenseur des droits ?

Le , par Olivier Keul - Accessibilité

Dans le cadre d’une conformité au RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité), on demande d’indiquer dans la déclaration d’accessibilité :

la mention de la faculté pour la personne concernée de saisir le Défenseur des droits, en cas d’absence de réponse ou de solution

Est-ce utile pour l’utilisateur ? Est-ce que cela permet de faire avancer les choses ? Dans le cadre d’une démarche personnelle, j’ai testé cette réclamation et je vous propose un rapide retour d’expérience.

Constat

J’ai constaté que le site de la commune dans laquelle je réside, comme pour beaucoup d’autres communes malheureusement, ne respecte pas ses obligations d’accessibilité :

  • absence d’affichage en page d’accueil d’une mention :

    • « Accessibilité : totalement conforme » si tous les critères de contrôle du RGAA sont respectés ;
    • « Accessibilité : partiellement conforme » si au moins 50 % des critères de contrôle du RGAA sont respectés ;
    • « Accessibilité : non conforme » s’il n’existe aucun résultat d’audit en cours de validité permettant de mesurer le respect des critères ou si moins de 50 % des critères de contrôle du RGAA sont respectés.
  • absence d’une déclaration d’accessibilité ;

  • absence du schéma pluriannuel de mise en accessibilité ;

  • absence de plan d’actions de l’année en cours.

Pour avoir un ordre de grandeur, cette commune en quelques chiffres, en 2022 ça représente :

  • 49 891 habitants ;
  • budget principal de 125,2 M€ (125 200 000 euros) dont 455 000 euros dans le « plan handicap ».

Prise de contact

J’ai donc essayé de joindre quelqu’un de la mairie pour connaître le plan d’action et la démarche de mise en accessibilité numérique du site internet de ma commune (et de ses sites associés). Voici par ordre chronologique mes demandes d’informations :

  1. Demande le 08/11/2021, via « mon compte citoyen » restée sans réponse depuis ce jour ;
  2. Demande le 08/11/2021, adressée au DPO (Délégué à la Protection des Données). Alors oui ce n’est pas tout à fait le même sujet mais ce sont généralement des personnes soucieuses du risque juridique / d’image ;
  3. Réponse le 11/02/2022, de la DPO qui s’est renseignée de son côté et m’indique que dans les prochains mois l’état des lieux et le plan d’actions de mise en conformité à l’accessibilité sera précisé sur le site web de la ville ;
  4. Demande le 11/02/2022, auprès du Défenseur des droits afin de faire une réclamation via le formulaire en ligne ;
  5. Réponse le 24/05/2022 du Défenseur des droits (voir ci-dessous)

Réponse du Défenseur des droits

Il s’agit en fait d’un simple rappel à la loi que je me permets de retranscrire ici :

Le Défenseur des droits souhaite prévenir le développement de toute pratique discriminatoire. C’est pourquoi il nous a apparu opportun de rappeler les termes de la législation applicable en matière de lutte contre les discriminations fondées sur la situation de handicap à Madame le maire.

Pour votre information, je vous les indique également.

L’effectivité du droit d’accès à l’information et à la communication se trouve entravée, en pratique, par le manque d’accessibilité des systèmes d’information et de communication. L’accessibilité des services numériques représente donc un enjeu primordial dans la lutte contre les discriminations fondées sur le handicap.

Dans son rapport « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? » , le Défenseur des droits constate qu’en 2019 seuls 5 % des sites internet publics se trouvaient accessibles aux personnes en situation de handicap. Début 2022, plus de 60 % des démarches administratives en ligne demeurent encore « hors de portée » des personnes en situation de handicap.

En juillet 2021, le Défenseur des droits a rappelé l’importance de rendre effective l’accessibilité des sites internet, publics et privés, et préconisait l’instauration d’un véritable dispositif de contrôle de conformité de ces sites aux règles d’accessibilité, assorti de sanctions dissuasives .

À la suite de la transposition en droit français de la directive (UE) 2016/2102 du Parlement Européen et du Conseil du 26 octobre 2016, l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit plusieurs obligations pour assurer l’accessibilité des services de communication au public en ligne.

Ces obligations sont précisées par le décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne et consistent notamment dans :

  • Réalisation d’une évaluation de la conformité du service de communication au public en ligne avec la norme de référence (norme européenne EN 301 549 V2.1.2 (2018-08). Pour les personnes morales de droit public, cet audit doit être effectué selon les modalités décrites dans la dernière version du Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA) ;
  • Publication d’une déclaration d’accessibilité selon les modalités indiquées dans le RGAA (art. 6 du décret n° 2019-768 précité) ;
  • Affichage sur la page d’accueil de tout service de communication au public en ligne d’une mention clairement visible précisant s’il est ou non conforme aux règles relatives à l’accessibilité (art. 47 de la loi n° 2005-102 précitée) ;
  • Élaboration et publication d’un schéma pluriannuel et de plans d’action annuels de mise en accessibilité des services de communication au public en ligne ;
  • Obligation de formation continue pour certains personnels sur l’accessibilité numérique et sur la conformité aux exigences d’accessibilité (art. 7 du décret n° 2019-768 précité).

Le défaut de mise en conformité d’un service de communication au public en ligne avec les obligations déclaratives peut entraîner une sanction administrative pouvant aller jusqu’à 20 000 euros (art. 8 du décret n° 2019-768 précité). Une nouvelle sanction peut être prononcée chaque année lorsque le manquement à ces obligations perdure.

Pour votre parfaite information, la direction interministérielle du numérique (DINUM) a développé un accompagnement à destination d’administrations volontaires pour améliorer et mettre en conformité leur site avec le RGAA.

Dans ces conditions, je vous informe mettre fin à l’instruction de votre réclamation.

Et c’est tout, le rappel à la loi a été fait, merci bonsoir.

Des effets suite à cette réclamation ?

Il semblerait que non. 8 mois après ma demande initiale, le site internet de ma commune ne respecte toujours pas ses obligations d’accessibilité. Je ne sais pas si la réclamation auprès du Défenseur des droits a eu ou non des effets en interne mais en tout cas rien n’est visible pour le citoyen.

Du coup je reste un peu sur ma faim par rapport à cette réclamation. L’effet est quasi-nul alors que ça demande un effort pour l’utilisateur : contacter la mairie et contacter le Défenseur des droits (et je n’ai même pas parlé de l’accessibilité de ces moyens de contact qui peuvent considérablement ralentir la démarche voir la rendre impossible).

Au final on en revient toujours au même sujet : tant qu’il n’y aura pas un organisme désigné par l’État pour sanctionner et récolter les fonds, les rappels à l’ordre resteront des rappels à l’ordre. Pourtant ça marche très bien ailleurs, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a fait avancer le sujet du RGPD (Règlement général sur la protection des données) en très peu de temps avec des réelles sanctions. C’est donc possible, il s’agit « juste » d’une volonté politique.