RENOW, référentiel qualité web du Luxembourg

Le , par Laurent Denis - Accessibilité

Avertissement : cet article a été publié en 2012. Son contenu n'est peut-être plus d'actualité.

J’ai eu le plaisir de participer la semaine dernière à une conférence de presse de monsieur Claude Wiseler, ministre de la fonction publique et de la réforme administrative du Luxembourg, pour la présentation à la presse du tout récent référentiel de qualité web du gouvernement luxembourgeois. Baptisé RENOW (Reférentiel de normalisation Web) celui-ci est une étape majeure d’un processus de refonte du Web public luxembourgeois initié en 2002. C’est aussi une excellente nouvelle pour l’accessibilité. En effet, RENOW, qui est destiné à être intégré au cahier des charges de chaque projet web public, est un outil de qualité de portée globale (graphisme, rédaction éditoriale, référencement, architecture des contenus, ergonomie…), dont l’un des principaux volets est l’accessibilité WCAG.

RENOW, qu’est-ce que c’est ?

RENOW fixe l’objectif de mise en accessibilité des services publics luxembourgeois au niveau AA. Il fournit différentes recommandations au service de cet objectif, mais ne constitue pas cependant une « méthode d’application WCAG » intégrale, du type artillerie lourde RGAA.

La problématique et la démarche du Luxembourg sont en effet très différentes de la situation française, avec un échelle moindre (environ 130 sites en tout), une centralisation plus poussée du Web public, une stratégie de communication basée sur des portails, et la possibilité de recourir à une solution de publication unique. Ceci, loin d’évacuer la difficulté, détermine simplement un type de prise en compte spécifique.

Notre pierre à l’édifice

Le projet est mené concrètement par le service E-luxembourg. Celui-ci est chargé par le gouvernement du Luxembourg des évolutions du référentiel RENOW et est le maître d’oeuvre de son site pilote. Les consultants Temesis interviennent en tant que prestataire.

Temesis travaille depuis 2006 avec le service E-luxembourg, sur plusieurs points. Elie sloïm et moi-même avons apporté une (petite) contribution à la définition de certains contenus du référentiel. Mais nous intervenons surtout dans l’évaluation de l’existant, l’accompagnement du déploiement, le contrôle d’accessibilité, comme nous l’avons fait en particulier aux différentes étapes de la démarche appliquée au site pilote de ce référentiel, sport.public.lu, ou encore dans l’évaluation de solutions de production de certains contenus spécifiques (formulaires, cartographie…). Nous avons également rédigé l’an dernier un guide des contributeurs, ce qui pour des consultants ayant l’ambition d’être pédagogue et doués de capacités de vulgarisation, fut un vrai défi et un vrai plaisir.

Je dois dire que, malgré la durée un tantinet excessive des trajets Moulins-sur-Allier-Luxembourg, c’est une de nos interventions que j’apprécie le plus, car elle est extrêmement stimulante en terme de suivi, de gestion maîtrisée des risques, et plus généralement d’échanges sur la qualité avec les intervenants concernés.

L’invisible inaccessibilité… et la transparence de l’accessible

L’une des difficultés de mon intervention lors de cette conférence était de faire sortir l’accessibilité et l’inacessibilité de leur absence de visibilité au yeux du public. A ce propos, plusieurs choses m’ont frappé:

  • L’invisibilité des problèmes d’accessibilité. Des utilisateurs eux-mêmes handicapés ne vont pas nécessairement la percevoir, par exemple lorsque le contenu concerné n’est pas perceptible, ou encore lorsqu’un utilisateur habitué au niveau médiocre d’accessibilité de la plupart des sites n’imagine même pas que la situation pourrait être différente, ou encore en raison des stratégies utilisateurs qui ont été développées. L’un des intervenants de cette conférence, monsieur Lang, était justement un internaute aveugle, naviguant à l’aide d’une tablette braille et de Jaws. Je trouve très révélateur l’une de ses premières remarques à propos du portail sports.public.lu: « le moteur de recherche est immédiatement accessible, c’est bien: comme ça, je peux l’utiliser directement et sauter tout les problèmes provoqués par la navigation et les menus… ». Bref: le site est en fait beaucoup plus accessible que ce à quoi il est habitué.
  • L’invisibilité des solutions, car un site réellement accessible ne se distingue en fait pratiquement pas d’un site totalement non accessible pour de très nombreux utilisateurs: si je n’en ai pas spécifiquement le besoin je ne verrai pas que quelque-chose a été mis en œuvre. Il faut des démonstrations comme celle que j’ai réalisé au cours de cette conférence pour mesurer la différence.
  • L’invisibilité de l’enjeu, quand tant de gens n’imaginent pas qu’un aveugle puisse être internaute, qu’une personne immobilisée puisse naviguer. Pour ma part, je ne suis que très modérément handicapé. Mais plus le temps passe, et plus je suis personnellement investi dans l’accessibilité eu égard aux difficulté que je rencontre sinon. Et mon cas n’est que très peu représentatif : vous n’imaginez pas le potentiel du Web pour votre voisin de palier, celui qui, oui, ne voit pas bien les boutons de l’ascenseur…

J’espère que mon intervention, consacrée à mettre justement en évidence quelques cas simples et très concrets d’inaccessibilité et de solutions, et surtout le choc que constituait celle de l’intervenant aveugle, ont pu contribuer à cette petite prise de conscience nécessaire. L’intérêt suscité était en tous cas très encourageant.